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des pouvoirs politiques

justement attaqué, parce qu’il remplit un devoir.

Si la résistance n’est, au contraire, que passive, alors on doit prendre tous les moyens possibles pour que la force, qui doit vaincre cette résistance, puisse encore ne faire que se défendre ; que du moins elle se borne longtemps à menacer, à prévenir les maux qui peuvent résulter de l’inexécution de la loi, à laisser à la raison le temps d’exercer son autorité toujours victorieuse.

Enfin, dans ce cas surtout, on doit ne pas s’écarter, sans une impossibilité absolue, de ce principe conservateur de la paix, de n’employer qu’une force qui, par sa masse ou son appareil, puisse frapper, même l’esprit des hommes irrités et violents, de l’idée que toute résistance serait inutile.

Si la désobéissance à la loi n’a pour motifs que des intérêts particuliers, soit à une classe d’hommes, soit à un territoire, s’il n’y a pas lieu de craindre que les passions personnelles, qui agitent les citoyens rebelles, puissent se propager, alors on peut presque toujours être assuré de rassembler des forces suffisantes, et vous n’avez à craindre, ni d’allumer la discorde dans le sein de l’État, ni d’étouffer l’esprit public, ni d’affaiblir ce sentiment d’indépendance qui caractérise les hommes libres ; sentiment qui doit se taire devant la loi, mais qu’elle ne doit jamais étouffer par la terreur.

Si, au contraire, la résistance a pour cause, non des intérêts locaux et purement personnels, mais des terreurs populaires, mais des préjugés, mais une opposition réelle entre l’opinion des législateurs et