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de la nature

celle d’une portion des citoyens, alors, que l’emploi de la force se borne à empêcher d’ajouter de nouveaux crimes à la violation de la loi ; que les moyens de persuasion soient prodigués ; que tous ceux par lesquels la raison peut s’introduire dans les esprits soient employés avec activité comme avec patience.

Car, dans ces circonstances, le danger de montrer à découvert la faiblesse de la loi, de faire succéder une véritable anarchie, ou une guerre intestine, à des violences passagères, s’unit à celui de punir, comme un crime, des erreurs involontaires, de sacrifier des innocents, de semer entre les citoyens les germes d’une division durable, et d’inspirer au peuple deux sentiments également funestes, la haine ou la crainte servile de la loi.

On voit ici combien il est nécessaire que la grande majorité du peuple soit persuadée de la bonté des lois, qu’elle ait confiance dans ceux qui les rédigent, les appliquent ou les font exécuter, et qu’enfin chaque citoyen porte au fond de sa conscience un sentiment profond de l’obligation d’obéir provisoirement aux lois même qu’il désapprouve, à leur application, qu’il croit injuste.

La confiance dans les fonctionnaires publics exige qu’ils soient fréquemment renouvelés, et que le choix en soit confié aux citoyens, pour qu’ils puissent les regarder comme leur propre ouvrage.

L’amour de l’égalité est un sentiment général et dominant dans toutes les républiques, même dans celles qui sont corrompues par des institutions aris-