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des pouvoirs politiques

socratiques. L’espoir d’obtenir la jouissance de ce droit précieux, la crainte d’y voir porter des atteintes nouvelles, y a presque toujours été la cause de tous les troubles, comme l’art de cacher l’inégalité, ou de la faire pardonner, la grande politique de l’aristocratie.

L’histoire entière de la république romaine n’est que le développement de cette observation.

Mais, en supposant une constitution où la loi ait maintenu l’égalité la plus entière, il reste toujours trois genres d’inégalité dont la cause est dans la nature même.

D’abord, l’inégalité des facultés naturelles. Si une instruction, commune à tous les citoyens, leur donne les connaissances nécessaires pour être affranchis de toute dépendance, dans les actions ordinaires de la vie civile ou politique ; si, par l’effet de cette instruction, il ne peut plus exister une classe d’hommes qui gouvernent les autres par des préjugés ou par l’art de manier les passions, alors cette inégalité ne peut produire des maux réels. Les talents seront utiles sans jamais être dangereux ; les lumières serviront à éclairer les hommes, et non aies tromper ; l’envie n’aura plus la ressource de faire peur du génie pour s’en venger, et le honteux sentiment de l’ostracisme ne souillera plus le cœur des amis de la liberté.

L’inégalité des richesses existerait entre des familles isolées, si elles n’étaient pas composées de brigands ; les mauvaises lois l’accroissent, les bonnes peuvent aisément la réduire à de justes bornes. Si les succès-