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de la nature

sions sont également partagées ; si les lois tendent à les diviser en admettant la représentation ; si le droit de tester est aboli ; si les impôts, également répartis, ne gênent ni l’industrie ni le commerce ; si l’industrie et le commerce jouissent d’une entière liberté ; si l’instruction, devenue générale, tarit la source, plus féconde qu’on ne croit, des fortunes établies sur l’ignorance d’autrui ; si elle distribue, dans les familles pauvres, les moyens que donnent les talents pour acquérir de l’aisance ; si des caisses d’accumulation offrent des ressources à l’économie des citoyens indigents, alors il ne restera plus que cette inégalité de richesses, nécessaire à l’économie de l’ordre social, et même au perfectionnement de l’espèce humaine.

Enfin, toute société se partage nécessairement en deux classes, ceux qui gouvernent, et ceux qui sont gouvernés ; et il en résulte une inégalité réelle et nécessaire jusqu’au moment, encore éloigné peut-être, où les hommes regarderont le travail de faire des lois, de rendre des jugements, comme une simple occupation du même genre que celle de faire un livre, de combiner une machine, de résoudre un problème.

Si les lois n’ont pas fixé les limites de ces deux classes par des distinctions héréditaires, ou des privilèges municipaux ; si cette division est indépendante de la richesse ; si même, par l’effet d’une instruction publique bien dirigée, elle annonce moins la supériorité que la différence des lumières et des talents, alors, sans doute, elle frappera moins, et la limite variable, et presque imperceptible, qui sépare