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des pouvoirs politiques

courage. Un soldat romain se glorifiait de son obéissance, bien plus que de sa bravoure, et il citait avec complaisance sa soumission aux ordres d’un consul qu’il haïssait.

Je suppose, d’abord, que les lois, celles surtout qui influent immédiatement sur le sort du plus grand nombre, ou qui touchent à des opinions ou à des passions générales, ne sont rendues qu’après des discussions instructives, et lorsque l’opinion publique a eu le temps de se former et d’être observée ; je suppose, ensuite, qu’il n’existe aucun pouvoir qui, par sa nature ou son organisation, puisse inquiéter les amis de la liberté et de l’égalité, et je demande s’il suffit alors que la masse entière de la nation ait, en tout temps, un moyen praticable de former et de déclarer le vœu de la majorité pour une réforme de sa constitution, ou plus généralement des corps de lois soumis à son acceptation.

Je conviens, d’abord, que pour les lois de détail, pour les craintes que peuvent inspirer, comme individus, les dépositaires d’une des fonctions du gouvernement, il suffit alors que les différentes portions de citoyens qui peuvent se réunir immédiatement aient un moyen de faire entendre leur vœu au corps de leurs représentants, chargés de rédiger des lois, et que ce corps ait une autorité suffisante pour corriger ces abus, pour dissiper ses alarmes ; car, s’il peut lui-même inspirer de la défiance, ce ne serait pas en le changeant dans ses membres, mais en corrigeant son organisation et sa formation, qu’on pourrait remédier à ce danger.