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de la nature

Mais, pour que la masse entière de la nation émette un vœu, faudra-t-il attendre que l’universalité de ses portions s’assemble spontanément, ou que les représentants du peuple convoquent ses assemblées ? La tranquillité publique serait-elle assurée si, dans le cas où une inquiétude vive agiterait une portion notable de citoyens, il leur fallait, ou déterminer cette convocation, ou produire un mouvement général dans toutes les autres portions ? Ne serait-il pas plus simple d’établir que telle portion de citoyens, qui aurait déjà un moyen légal d’émettre son vœu, pourrait exiger la convocation nationale ; qu’une portion plus petite pourrait également obtenir, sous une forme régulière, l’émission de ce vœu pour une convocation, en sorte qu’il ne pût exister une réunion un peu considérable de citoyens, qui n’eût l’espérance et le moyen légal de consulter le peuple entier, si elle le croyait nécessaire ?

Les erreurs populaires tiennent toujours à quelque préjugé consacré par une longue habitude, ou à une vérité mal démêlée. Nous entendons, sans cesse, les portions de citoyens, un peu nombreuses, parler au nom du peuple souverain. Ignorent-elles que la souveraineté n’appartient qu’au peuple entier ; qu’il n’exerce immédiatement sa souveraineté qu’au moment où toutes ses portions peuvent émettre un vœu commun ; qu’alors seulement sa volonté est souveraine ; que dans toute autre circonstance il ne peut prononcer qu’une opinion, manifester un désir ; que les réunions même les plus puissantes sont, comme un seul individu, soumises à la loi, et