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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/95

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à l’assemblée nationale, etc.

moyens d’avoir une propriété apparente, de montrer une fortune qui le rende susceptible de l’imposition exigée ? Dès lors la loi ne servirait plus qu’à faire contracter aux citoyens l’habitude de se jouer de la vérité dans les actes publics, et de les forcer à se préparer aux fonctions augustes de représentants de la nation par des mensonges juridiques.

Vous avez senti ces inconvénients, Messieurs, et votre décret n'a pu vous être dicté que par la crainte de voir des places importantes confiées à des hommes que le défaut absolu d’éducation rendrait incapables de les remplir ; mais nous osons assurer que ce danger n’est pas à redouter. Toutes les fois que le peuple sera libre dans son choix, toutes les fois qu’il ne sera point blessé par des distinctions humiliantes, il saura rendre justice aux lumières et aux talents ; il ne confiera point ses intérêts à des hommes incapables de les défendre ; il ne croira point, au fond d’une province, qu’un homme sans instruction, uniquement occupé de travaux champêtres, d’un métier, ou d’un commerce de détail, soit propre à balancer, dans l’assemblée de la nation, les intérêts d’un grand peuple, et peut-être ceux de l’Europe ; il ne croira pas, dans une grande ville, qu’un artisan honnête, un négociant économe et fidèle à ses engagements, ni même un défenseur fougueux de la liberté, soit plus digne de s’asseoir parmi des législateurs, ou d’exercer des fonctions administratives, qu’un homme distingué par ses lumières, ou célèbre par l’usage utile qu’il a fait de ses talents. L’on aurait peut-être a craindre l’influence de cette facilité de parler, de