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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 11.djvu/24

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est un véritable vol ; que le gouvernement enfin n’a point le droit de gêner, entre les concitoyens d’un même État, la liberté d’acheter et de vendre une denrée nécessaire ? Lorsque ces réflexions très-simples sur l'injustice des lois prohibitives, et la fermeté du gouvernement à maintenir la liberté comme juste et comme utile, auront disposé les gens du peuple à regarder cet état de liberté comme l’état le plus naturel, pourquoi ne leur ferait-on pas entendre qu’il est de leur avantage que le cultivateur soit maître absolu du grain qu’il recueille, afin qu’il soit plus intéressé à augmenter la reproduction ; qu’il est de leur intérêt que le commerce soit libre, afin qu’on leur apporte du blé quand ils en manqueront ; qu’il est de leur intérêt que les magasins de blé soient sacrés, afin qu’on leur prépare une ressource dans les années stériles ?

Ces simples réflexions ne suffisent pas, sans doute, pour résoudre toutes les difficultés qu’on élève contre la liberté du commerce des grains ; mais elles suffisent pour rassurer le peuple, pour lui faire sentir que les partisans de cette liberté ne sont pas des monstres qui empruntent sa voix pour le dévorer.

Vous dites que le peuple haïra toujours les marchands de blé, qu’il appelle monopoleurs, et qu’ainsi cet état, flétri par l’opinion, ne sera jamais un état honnête. Mais, Monsieur, le peuple hait les financiers, qu’il appelle maltôtiers, et les marchands d’argent, qu’il appelle usuriers : direz-vous que ces états sont malhonnêtes ? Tous ces préjugés ont une source commune ; ces différents