Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 11.djvu/26

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à ce que disent les historiens les plus respectables. Enfin, un coquin de fermier a osé dire qu’il deviendrait tambour, si le blé ne montait pas à 60 francs le sac ; et sur-le-champ voilà son ventre changé en tambour, et ses bras en baguettes : les voisins accourent charitablement pour le tuer ; mais, comme de raison, les balles s’aplatissent sur son ventre…

Quant aux marchands de blé emportés par le diable, aux sorciers qui escamotent le blé pour produire la famine, il n’y a rien de plus commun ; et pourquoi voudriez-vous que le peuple ne crût pas tout cela, et cent autres sottises qu’on lui insinue par la même voie, que la jeunesse apprend par cœur, et qui sont la seule éducation qu’elle reçoive après être sortie des écoles ? Ne lisent-ils pas au bas : vu et approuvé ? et ces mots, suivis des signatures les plus respectables, comment le peuple devinerait-il que signer qu’on approuve, signifie le plus souvent qu’on n’approuve pas ?

J’ai ouï dire qu’à Paris on prenait les plus grands soins pour empêcher les illustres habitants de cette ville, de se gâter l’esprit par la lecture des livres de certaines gens qu’on appelle philosophes, c’est-à-dire, amis de la sagesse. Je crois qu’on rendrait un grand service au peuple des campagnes, si on mettait ces marchands de mensonges (quoiqu’ils ne soient pas amis de la sagesse) au pilori avec cet écriteau : Colporteurs d’histoires inventées, pour rendre les hommes imbéciles et méchants. Je suis persuadé que cette correction serait très-instructive et très-exemplaire.