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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/120

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


lue de toute liqueur fermentée, l’habitude de ne manger que seul d’un très-petit nombre de mets sains et apprêtés simplement, ne purent le préserver d’éprouver avant l’âge les infirmités et le dépérissement de la vieillesse ; il ne lui restait depuis longtemps que deux plaisirs : le travail et la conversation ; son état de faiblesse lui enlevait celui des deux qui lui était le plus cher. Cette privation altéra un peu son humeur ; son penchant à l’inquiétude augmenta ; son âme paraissait s’affaiblir comme ses organes ; mais cette faiblesse n’était qu’apparente ; on le croyait accablé par la douleur, et on ignorait qu’il en employait les intervalles à discuter quelques questions mathématiques qui avaient piqué sa curiosité, à perfectionner son histoire de l’Académie, à augmenter sa traduction de Tacite, et à la corriger ; on ne devinait pas que, dans le moment où il verrait que son terme approchait, et qu’il n’avait plus qu’à quitter la vie, il reprendrait tout son courage. Dans ses derniers jours, au milieu d’une société nombreuse, écoutant la conversation, l’animant encore quelquefois par des plaisanteries ou par des contes, lui seul était tranquille, lui seul pouvait s’occuper d’un autre objet que de lui-même, et avait la force de se livrer à la gaieté et à des amusements frivoles.

Illustre par plusieurs de ces grandes découvertes qui assurent au siècle où elles ont été dévoilées l’honneur de former une époque dans la suite éternelle des siècles ; digne, par sa modération, son désintéressement, la candeur et la noblesse de son