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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/150

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ÉLOGE DE M. MACQUER.


heur qui l’attendait au sein de sa famille. C’est le contraire de ce qu’éprouve le commun des hommes, qui se trouvent mal où ils sont, sans pouvoir dire où ils seraient mieux.

La sérénité qui paraissait dans toute la personne de M. Macquer semblait indiquer une santé constante ; mais cette sérénité n’annonçait que le calme de son âme. Il souffrait depuis longtemps, mais le cachait aux personnes qu’il aimait le plus, parce qu’il regardait ses maux comme incurables ; il les sentit redoubler peu à peu dans ses dernières années, en observa le progrès, et conjectura très-juste le moment où la mort devait les finir. Peu de temps auparavant, il en avertit sa femme, lui parla de sa fin prochaine avec sensibilité, mais sans trouble, la remercia du bonheur qu’elle avait répandu sur sa vie, et insista beaucoup sur le désir qu’il avait d’être ouvert après sa mort, afin que la cause en fût connue. Quelques jours après, ses maux augmentèrent, et il y succomba le 15 février 1784, sans avoir perdu un instant ni sa présence d’esprit, ni sa sensibilité, ni sa douceur, ni sa tranquillité ordinaire. L’ossification de l’aorte et des concrétions pierreuses formées dans les cavités du cœur, avaient été la cause de cet état de souffrance auquel il était condamné depuis plusieurs années, et de l’impossibilité d’exister, dont il avait senti si longtemps les approches lentes et douloureuses.

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