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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/190

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ÉLOGE DE M. CASSINI.


avec cette fierté noble d’un homme qui compte sur ceux qu’il mérite, ou qui a le courage de s’en passer, mais par un sentiment naturel, par l’effet d’un premier mouvement, et sans aucun retour sur lui-même. L’existence d’un nouveau talent, une nouvelle couronne qu’un de ses confrères ajoutait à sa gloire, était pour lui une jouissance nouvelle, et le plaisir naïf et pur qu’il éprouvait alors se peignait dans ses regards et dans sa contenance.

M. Cassini eut des liaisons dans différentes classes de la société, et ne fut déplacé dans aucune. Estimé des magistrats ses confrères, par sa probité, il était cher à ses confrères académiciens par sa simplicité et sa douceur ; quoique admis dans la familiarité des grands, il sut conserver leur estime. On lui a reproché d’avoir trop cherché, peut-être, à s’approcher d’eux. En effet, l’espèce de domination qu’ils aiment à exercer sur les occupations, sur les sentiments même de ceux qu’ils nomment leurs amis, semble incompatible avec cette liberté et cette indépendance dont la perte enlève au talent la moitié de ses forces et de ses ressources. Plus la raison nous a convaincus de l’égalité primitive que la nature a mise entre les hommes, plus elle nous fait une loi d’éviter l’intimité de ceux que l’opinion a placés au-dessus de nous. Il est d’ailleurs difficile, en formant ces liaisons, d’échapper au soupçon de partager les motifs de vanité ou d’intérêt qui engagent les hommes ordinaires à en braver les inconvénients et le danger ; mais du moins elles n’ont valu à M. Cassini ni fortune, ni places, ni titres, et cette exception à l'u-