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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/206

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ÉLOGE DE M. DE COURTIVRON.


de lui-même ; non qu’il ne fût sincère et vrai ; mais il a paru s’oublier toute sa vie pour ne s’occuper que du bien qu’il pouvait faire, et de ses devoirs, qu’il remplissait avec la plus grande exactitude, sans paraître chercher d’autre approbation que celle de sa conscience.

« Sa philosophie était celle de la nature, celle que donne une raison éclairée ; mais elle se montrait dans ses actions plutôt que dans ses discours. Il respectait les préjugés établis, sans être l’esclave d’aucun. Son âme était forte, mais il laissait aux âmes faibles les ressources qu’il croyait pouvoir leur être utiles, quoiqu’il n’en eût pas besoin pour lui-même. Toujours juste sans austérité, sensible sans faiblesse, il voulait sincèrement le bonheur de ses semblables ; il y contribuait autant qu’il était en lui ; mais il trouvait bon que chacun jouît en paix de la liberté de choisir des moyens d’être heureux, parce qu’il ne pensait pas que ces moyens fussent les mêmes pour tous les hommes.

« Il plaçait ses bienfaits avec sagesse, ne négligeant rien pour s’assurer qu’ils auraient une utilité réelle et durable ; mérite sans lequel la bienfaisance peut être encore un sentiment estimable, mais n’est plus une vertu. Jamais il ne s’est plaint de l’ingratitude, parce que le désir d’obtenir de la reconnaissance n’était pas ce qui le portait à faire le bien ; il connaissait trop les hommes pour les estimer beaucoup ; mais il les plaignait, et c’est assez pour les servir.

« On pouvait quelquefois le trouver silencieux.