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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/229

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ÉLOGE DE M. DE PRASLIN.


l’habitude des grandes affaires. C’était une ressource qu’il s’était préparée pour le temps où il devait les quitter.

Il sentait bien que sa santé l’en priverait souvent ; mais il ne s’était pas prononcé qu’il ne pourrait jamais en jouir. Le sentiment que ce mot exprime est un de ceux que l’homme souffrant repousse avec le plus de force ; et les espérances vagues et chimérique d’un état plus heureux sont la dernière jouissance que laisse la nature à ceux qu’elle accable de privations.

Au mois de décembre 1770, M. le duc de Praslin reçut l’ordre de se démettre de sa place et de se retirer dans ses terres : il apprit avec tranquillité la nouvelle d’une disgrâce qu’il avait prévue, et dont les motifs lui étaient absolument étrangers. Il se soumit avec résignation à une rigueur dont il avait espéré que ses infirmités habituelles le préserveraient, sur la foi des promesses, de l’exécution desquelles la sage modération de sa conduite paraissait devoir lui répondre. Il dormait après son dîner, suivant son usage, lorsqu’il apprit son exil ; et quand celui qui était chargé de l’annoncer fut sorti, il fit refermer ses rideaux et se rendormit. Cet exil ne dura que huit mois, et M. le duc de Praslin ne crut pas avoir payé trop cher la liberté de passer le reste de sa vie, loin des affaires, dans le sein de sa famille et auprès de ses amis. Ses infirmités augmentèrent avec l’âge : dans l’automne de l’année dernière, il eut une maladie vive qui épuisa ses forces : sa convalescence fut longue et pénible ; et sa