Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
242
ÉLOGE DE M. L’ABBÉ DE GUA.


que les regardait comme dangereuses, ou feignait de les mépriser, il partit pour l’Italie.

Il savait que dans ce pays aucune barrière n’empêche le mérite d’aspirer aux premières places ; mais il lui manquait ce dont le mérite a besoin pour s’élever, cet art de se cacher, qui nous permet de nous montrer aux yeux des autres, dans chaque circonstance, ce qu’il nous est utile de leur paraître. M. l’abbé de Gua eut, en Italie, des amis illustres qui ne firent rien pour lui, et il revint à Paris.

M. le comte de Clermont voulait alors y fonder une société des arts, et M. l’abbé de Gua lui fut présenté comme un homme qui, joignant l’étude des sciences à celle des arts, honorerait cette société naissante. On doit regretter qu’elle n’ait eu qu’une existence éphémère, elle eût été à la fois utile aux sciences et aux arts ; elle en fût devenue le lien, et eût servi en même temps à rendre plus sensible la ligne qui doit les séparer ; car s’il est bon de les réunir, il ne faut pas en confondre les limites, de crainte qu’une théorie médiocre n’égare la pratique des arts, au lieu de l’éclairer, ou que le prétexte de chercher à rendre les sciences utiles, ne substitue une charlatanerie facile, à l’activité laborieuse qui seule conduit à des découvertes.

En 1741, M. l’abbé de Gua entra comme géomètre dans l’Académie des sciences : l’année d’auparavant, il s’était fait connaître par un ouvrage intitulé : Usages de l'Analyse de Descartes. C’est un traité de la théorie des courbes algébriques, qu’il semblait avoir entrepris par le seul motif de prouver que