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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/272

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ÉLOGE DE M. DE PAULMY.


en Europe dans moins d’un demi-siècle. L’amour de la paix fut le caractère distinctif de son administration ; sa lettre écrite du champ de bataille de Fontenoi, à un philosophe ennemi de la guerre, est un monument d’humanité et de raison, présage heureux de la révolution qui se préparait dans les opinions des hommes et dans la politique des princes. Les hommes d’État qui, chez les nations ennemies de la France, avaient les mêmes sentiments que M. d’Argenson, étaient devenus ses amis, et s’empressaient de seconder ses vues. Il osa se servir de ce crédit personnel, acquis par ses vertus, pour faire sentir à Georges II combien il déshonorait la victoire de son fils, en abandonnant à une politique cruelle, ou plutôt au fanatisme du peuple anglais, le sang des jacobines pris les armes à la main, en défendant noblement une cause qu’ils croyaient juste. Ces conseils, dictés par l’humanité, et portés par M. Vanhoëy, ambassadeur de Hollande, ministre aussi sage que courageux, furent rejetés avec hauteur. Cette conduite est inouïe, écrivaient les ministres d’Angleterre, en se plaignant de lui aux états généraux ; étonnement naïf qui était à la fois le plus bel éloge de M. Vanhoëy, et la satire la plus cruelle de leurs principes.

M. le marquis d’Argenson eut un autre mérite non moins rare, celui de ne pas craindre et de ne pas rougir d’avoir pour amis des hommes supérieurs. Il rendit à Voltaire la justice que ses compatriotes lui refusaient encore : il avait aperçu d’avance, dans le poète ingénieux et sublime, le philosophe élo-