l’état où ses goûts lui promettaient la jouissance paisible de ce loisir occupé, qui, pour les âmes tranquilles et les esprits actifs, est le véritable bonheur. Dans sa retraite, il rassembla tout ce que son
expérience et ses réflexions lui avaient appris sur les
intérêts de la nation ; il en forma un ouvrage précieux,
par les vues saines et utiles qu’il renferme,
et par le ton modeste avec lequel l’auteur propose
ses idées. En lisant ce livre, on ne devinerait point
qu’il eût été ministre ; rien n’y fait soupçonner ni le
désir de revenir en place, ni le regret de n’y être
plus, ni l’envie d’embarrasser ou de flétrir ses successeurs, ni le projet de se rallier à un parti. On
voit que, né pour les grandes places et pour les
grands objets, il n’est ni ébloui des places, ni étonné
d’avoir de grands objets à traiter ; son style est simple
comme sa vie : il ne dit point qu’il aime le bien
public, il le prouve par ses principes ; il ne cherche
point les applaudissements de la multitude, il veut
mériter l’estime des hommes éclairés et en augmenter
le nombre.
M. le marquis d’Argenson est le premier qui ait proposé d’établir en France des assemblées de simples représentants du peuple, qui ait senti que des intérêts communs doivent donner à tous un droit égal ; que ces distinctions d’ordres, établies dans les temps d’ignorance et d’anarchie, doivent enfin s’évanouir avec les préjugés et les circonstances qui les ont fait naître.
Ainsi, c’est du sein de la noblesse, de la cour et du ministère, que s’est élevée la première voix qui ait