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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/275

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ÉLOGE DE M. DE PAULMY.


réclamé en faveur de l’égalité et des véritables intérêts du peuple. M. d’Argenson prévoyait quel scandale il exciterait parmi ces hommes, alors plus communs encore qu’aujourd’hui, qui connaissent mieux les prérogatives de leur ordre que les droits de l’humanité ; et comme son ouvrage devait rester anonyme, « on croira, disait-il, qu’il est d’un écrivain de la lie du peuple, indigné contre une élévation qui lui fait envie ; mais qu’on ne s’embarrasse pas de cela, il a l’honneur d’être gentilhomme.»

L’opinion qu’il existe des principes généraux d’administration qui restent vrais pour toutes les constitutions ; l’idée de trouver dans la réunion paisible du peuple une balance plus sûre que dans un système d’autorités qui se combattent ; le désir de la plus grande simplicité dans les impôts, de la plus grande liberté dans le commerce, de l’uniformité dans les lois, de la promptitude dans les jugements, de la destruction de cette vénalité honteuse, établie par l’avidité, longtemps combattue par le bon sens, protégée depuis par l’amour du paradoxe ; toutes ces idées, aujourd’hui communes, alors presque singulières, semblent annoncer que l’ami de Montesquieu, moins profond peut-être et moins ingénieux, avait su quelquefois voir mieux que lui ; et que le ministre avait été souvent plus supérieur que le philosophe, aux préjugés de l’antiquité, de la politique et de l’orgueil. Peut-être qu’au moment où les vues de M. le marquis d’Argenson ont été en partie réalisées, où le gouvernement est pénétré de ces mêmes principes de confiance dans le peuple, de respect