point perdre l’estime publique, et à qui on a besoin
de ne pas déplaire si on veut conserver sa place ;
M. le comte d’Argenson avait trop d’esprit pour ne
pas voir qu’il ne pouvait pas se plier à ces recherches
pénibles, à cette attention longue et suivie que
toute réforme exige. Il sentait cependant qu’il fallait
profiter de la paix pour connaître dans le plus
grand détail l’état de son département, les abus que
les opinions d’un autre siècle y avaient introduits,
et ceux qu’une longue négligence avait laissé s’accumuler.
Il sentait que les progrès de l’art militaire exigeaient
une grande réforme ; que ces institutions, qui
avaient servi autrefois de modèle à l’Europe, avaient
besoin d’être corrigées ; que si le grand électeur
avait dû une partie de sa réputation au soin qu’il
avait eu d’imiter Louvois, c’était à leur tour dans
les armées de son petit-fils, que les successeurs de
Louvois devaient aller chercher des instructions et
des exemples.
M. de Paulmy avait déjà vu Frédéric et son armée ; il avait plu au prince comme homme de lettres, et avait étudié en homme d’État la constitution de ses troupes. Chargé ensuite de la fonction délicate de préparer les matériaux qui devaient servir de base à des changements nécessaires, il parcourut toutes les frontières de la France, visita les places, examina les garnisons, observa partout l’ordre établi dans les dépenses, l’état de la discipline, l’usage ou l’abus de toutes les autorités, comparant ce qui se faisait avec ce qu’on avait ordonné, l’état réel du militaire avec l’état que présentaient les comptes rendus au