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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/285

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ÉLOGE DE M. BOUVART.


nés dont il a soulagé les souffrances ou la misère, de ceux qui lui doivent plus que la vie, parce qu’il leur a épargné des pertes douloureuses, ou qu’il a sauvé les personnes auxquelles, dans le secret des destinées, leur bonheur avait été réservé. La tradition de quelques principes, conservés dans la mémoire de ses disciples, est souvent tout ce qui reste de lui ; son séjour sur la terre a été marqué par le bien qu’il a fait ; mais la mémoire de ce bien, passagère comme la vie des hommes, s’évanouit avec les générations qui en ont été l’objet et les témoins.

L’histoire d’un savant nous fait connaître ses découvertes, nous montre les lois de la nature qu’il a aperçues, développées ou appliquées ; les faits nouveaux dont il a enrichi les sciences ; les phénomènes qu’il a décrits ou analysés ; les objets inconnus sur lesquels il a fixé les regards des savants, ou dont il a dévoilé la nature et les propriétés. Mais ce ne sont ni des découvertes dans les sciences, qui servent immédiatement de base à l’art de la médecine, ni même des méthodes nouvelles de traiter, qui distinguent les grands praticiens ; c’est le talent d’appliquer les connaissances acquises, de choisir les méthodes ; c’est ce coup d’œil préparé par la nature, donné par l’expérience, sans lequel l’usage des connaissances les plus étendues, les plus certaines, ne serait souvent que dangereux. Un médecin n’a pour juges de ce mérite que ses rivaux et un petit nombre de jeunes gens destinés à le remplacer ; ses succès mêmes ne peuvent être ni appréciés ni constatés ; il n’existe point de tables qui fassent reconnaître, pour