qualités très-distinctes des connaissances dans les
sciences médicales, et même du génie pour ces
sciences. Il croyait qu’on pouvait être un savant profond
et même illustré par des découvertes, et ne pas
être véritablement médecin. Il n’accordait ce titre
qu’à un petit nombre d’hommes, avouait son estime
pour eux aussi hautement que son mépris pour les
autres. Le tort qu’ils avaient à ses yeux, d’exercer
la médecine sans la savoir, n’était pas effacé par le
mérite réel que d’ailleurs ils pouvaient avoir. Peut-être
en cela n’aurait-il été que juste, si l’on n’était
forcé d’avouer qu’il confondait trop souvent avec
l’ignorance en médecine, un système de traitement
qui contrariait sa méthode. Quand il consultait avec
ses confrères, il était trop occupé de la conservation
du malade pour songer à ménager l’amour-propre
des consultants ; il soutenait son opinion avec toute
l’autorité de la raison, et il oubliait trop souvent
que la raison n’a jamais plus d’empire que quand
elle se montre, non comme une loi qu’on doit suivre,
mais comme une opinion qui peut mériter d’être
examinée. Malheureusement la force de sa conviction
lui donnait trop de facilité à soupçonner ceux
qui s’écartaient de ses idées, d’ignorance et de mauvaise
foi, et à se croire permis de prendre, en les
réfutant, un ton de dureté et de persiflage. TI était
très-sévère observateur de l’ancien usage de ne vouloir
consulter qu’avec les membres de la faculté, ou
ceux qui ont le droit de pratiquer à Paris, usage qui
eût exclu des consultations Boërhaave, Sydenham,
Stahl ou Morgagni, s’ils avaient voyagé en France, et
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ÉLOGE DE M. BOUVART.