Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
289
ÉLOGE DE M. BOUVART.


qualités très-distinctes des connaissances dans les sciences médicales, et même du génie pour ces sciences. Il croyait qu’on pouvait être un savant profond et même illustré par des découvertes, et ne pas être véritablement médecin. Il n’accordait ce titre qu’à un petit nombre d’hommes, avouait son estime pour eux aussi hautement que son mépris pour les autres. Le tort qu’ils avaient à ses yeux, d’exercer la médecine sans la savoir, n’était pas effacé par le mérite réel que d’ailleurs ils pouvaient avoir. Peut-être en cela n’aurait-il été que juste, si l’on n’était forcé d’avouer qu’il confondait trop souvent avec l’ignorance en médecine, un système de traitement qui contrariait sa méthode. Quand il consultait avec ses confrères, il était trop occupé de la conservation du malade pour songer à ménager l’amour-propre des consultants ; il soutenait son opinion avec toute l’autorité de la raison, et il oubliait trop souvent que la raison n’a jamais plus d’empire que quand elle se montre, non comme une loi qu’on doit suivre, mais comme une opinion qui peut mériter d’être examinée. Malheureusement la force de sa conviction lui donnait trop de facilité à soupçonner ceux qui s’écartaient de ses idées, d’ignorance et de mauvaise foi, et à se croire permis de prendre, en les réfutant, un ton de dureté et de persiflage. TI était très-sévère observateur de l’ancien usage de ne vouloir consulter qu’avec les membres de la faculté, ou ceux qui ont le droit de pratiquer à Paris, usage qui eût exclu des consultations Boërhaave, Sydenham, Stahl ou Morgagni, s’ils avaient voyagé en France, et