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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/312

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ÉLOGE DE M. DE LASSONE.


bles. Mais c’est dans les cloîtres surtout où la vie est plus uniforme, où tous les individus sont soumis à une loi commune, qu’il sentit plus fortement l’effet des affections morales, parce que chaque cause y agit d’une manière plus égale et plus isolée : et si l’on avait besoin de preuves de fait pour savoir combien il est téméraire de s’imposer des sacrifices éternels, et cruel de consacrer ces vœux indiscrets par la force des lois et de l’autorité publique, les observations de M. de Lassone en fourniraient de certaines. Les cloîtres lui montraient les effets lents et terribles d’une lutte éternelle entre la nature et le devoir, des regrets d’une liberté que rien ne peut plus rendre, et du poids d’une chaîne qu’il faut traîner jusqu’au tombeau. Mais heureusement cette chaîne est brisée, et nous approchons de l’époque où les institutions sociales, en perfectionnant la nature sans la contraindre, en assurant, en étendant les droits des hommes sans les blesser jamais, seconderont l’ordre éternel du monde qu’elles ont contrarié si longtemps.

A Versailles, successivement premier médecin de deux reines, devenu ensuite premier médecin du roi, réunion dont, avant lui, le célèbre Fernel était le seul exemple, il obtint dans deux cours différentes la même confiance et la même estime. Les ministres, les courtisans avaient changé ; ces espèces d’associations si mobiles, qui pour quelques instants réunissent sur elles la faveur ou le pouvoir, s’étaient plus d’une fois formées d’individus différents et de partis opposés, et M. de Lassone avait conservé les