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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/314

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ÉLOGE DE M. DE LASSONE.


cette police confiée à une société d’hommes éclairés sous une constitution libre, se bornera sans doute à avertir les citoyens des dangers qu’ils courent, à les instruire des ressources réelles que l’art leur prépare, sans cependant gêner leur confiance, et leur ôter le droit qu’a chaque homme de choisir pour lui ses médecins et ses remèdes. En même temps la médecine, comme science, devint l’objet des recherches d’une société chargée d’en étendre la sphère, et d’en approfondir les principes. Jamais un médecin n’avait plus fait pour son art, et cette action, à la fois si noble, si utile, n’a été pour lui qu’une source de chagrins. En vain, par amour pour l’égalité, et dans la crainte qu’un faible intérêt de vanité ne parût souiller la pureté du sacrifice qu’il avait fait aux sciences, abdiqua-t-il l’honneur de présider la nouvelle société, honneur attaché à sa place par les premiers règlements. L’implacable esprit de corps ne cessa de le poursuivre : il éprouva qu’un bien général, faible pour chacun de ceux qui le partagent, est méconnu et bientôt oublié, tandis que les prétentions particulières que ce bien contrarie, sont actives et bruyantes ; il apprit, par son expérience, que les abus, qui ont tant de censeurs lorsqu’on les menace de loin, ne trouvent plus que des défenseurs lorsqu’on commence à envisager leur destruction comme réelle et prochaine. M. de Lassone supporta la calomnie avec une tranquillité que le témoignage de sa conscience lui rendait facile.

Des amis vertueux sont la plus douce consolation contre fin justice ; et M. de Lassone jouit pendant