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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/317

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ÉLOGE DE M. DE LASSONE.


famille patricienne. M. de Lassone préféra pour son fils l’état où ses pères s’étaient distingués ; il ne trouva point d’obstacles dans un jeune homme dont la raison prématurée appréciait les objets d’après leur valeur réelle, et non d’après celle qu’y attache le préjugé ; et c’était dans un temps où il était impossible de prévoir que ces chaînes de la vanité qui servaient à resserrer toutes les autres, seraient brisées du même coup, et qu’un système d’inégalité, que quatorze siècles avaient péniblement combiné, pourrait disparaître en quelques instants.

Lorsque la délicatesse naturelle du tempérament de M. de Lassone lui fit éprouver les incommodités d’une vieillesse prématurée, il devint plus triste, plus solitaire, mais il conserva son caractère. Toujours attaché à la religion, sans cesser jamais un instant d’avoir pour les opinions d’autrui cette indulgence entière que la philosophie la plus profonde ne donne qu’aux âmes douces et pures, ses sentiments religieux se réveillèrent dans son âme, à mesure que les distractions du monde et l’étude cessaient de pouvoir remplir sa vie, et ajoutèrent leurs consolations à celles de la nature et de l’amitié. Éclairé sur son état, il vit paisiblement la mort s’approcher de lui, en fixa lui-même le jour, et le 8 décembre 1788, un paisible sommeil termina une vie partagée entre des travaux utiles, des actions de bienfaisance, et les plaisirs que les sentiments tendres font goûter à une âme vertueuse.

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