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ÉLOGE DE M. EULER.


par la vérité, et jamais par le désir d’attirer sur lui-même l’approbation publique, pouvait flatter un sage trop accoutumé à la gloire pour être encore sensible au bruit de sa renommée. Dans les hommes d’un génie supérieur, l’extrême simplicité de caractère peut s’allier avec les qualités de l’esprit qui semblent le plus annoncer de l’habileté ou de la finesse ; aussi M. Euler, malgré cette simplicité qui ne se démentit jamais, savait cependant distinguer, avec une sagacité toujours indulgente il est vrai, les hommages d’une admiration éclairée, et ceux que la vanité prodigue aux grands hommes pour s’assurer du moins le mérite de l’enthousiasme.

Ses travaux sur la dioptrique sont fondés sur une analyse moins profonde, et on est tenté de lui en savoir gré, comme d’une espèce de sacrifice. Les différents rayons dont un rayon solaire est formé subissent dans le même milieu des réfractions différentes ; séparés ainsi des rayons voisins, ils paraissent seuls, ou moins mélangés, et donnent la sensation de couleur qui leur est propre : cette réfrangibilité varie dans les différents milieux pour chaque rayon, et suivant une loi qui n’est pas la même que celle de la réfraction moyenne dans ces milieux : cette observation donnait lieu de croire que deux prismes inégaux et de différentes matières, combinés ensemble, pourraient détourner un rayon de sa route sans le décomposer, ou plutôt en replaçant, par une triple réfraction, les rayons élémentaires dans une direction parallèle.

De la vérité de cette conjecture pouvait dépendre,