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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/346

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


bleau philosophique de leurs mœurs et de leurs habitudes, à des descriptions embellies de toutes les couleurs dont l’art d’écrire pouvait les orner ; de créer enfin pour les philosophes, pour tous les hommes qui ont exercé leur esprit ou leur âme, une science qui n’existait encore que pour les naturalistes.

L’immensité de ce plan ne le rebuta point ; il prévoyait, sans doute, qu’avec un travail assidu de tous les jours, continué pendant une longue vie, il ne pourrait encore en exécuter qu’une partie ; mais il s’agissait surtout de donner l’exemple, et d’imprimer le mouvement aux esprits. La difficulté de répandre de l’intérêt sur tant d’objets inanimés ou insipides ne l’arrêta point ; il avait déjà cette conscience du talent, qui, comme la conscience morale, ne trompe jamais, quand on l’interroge de bonne foi, et qu’on la laissé dicter seule la réponse.

Dix années furent employées à préparer des matériaux, à former des combinaisons, à s’instruire dans la science des faits, à s’exercer dans l’art d’écrire, et au bout de ce terme, le premier volume de l’Histoire naturelle vint étonner l’Europe. En parlant de cet ouvrage, que tous les hommes ont lu, que presque tous ont admiré, qui a rempli, soit par le travail de la composition, soit par des études préliminaires, la vie entière de M. de Buffon, nous ne prendrons pour guide que la vérité (car pourquoi chercherions-nous vainement à flatter, par des éloges qui ne dureraient qu’un jour, un nom qui doit vivre à jamais ?) ; et en évitant, s’il est possible, l’influence de toutes les causes qui peuvent agir sur l’opinion, souvent