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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/347

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


passagère des contemporains, nous tâcherons de prévoir l’opinion durable de la postérité.

La théorie générale du globe que nous habitons, la disposition, la nature et la formation des substances qu’il offre à nos regards, les grands phénomènes qui s’opèrent à sa surface ou dans son sein ; l’histoire de l’homme et les lois qui président à sa formation, à son développement, à sa vie, à sa destruction ; la nomenclature et la description des quadrupèdes et des oiseaux, l’examen de leurs facultés, la peinture de leurs mœurs : tels sont les objets que M. de Buffon a traités.

Nous ne connaissons, par des observations exactes, qu’une très-petite partie de la surface du globe, nous n’avons pénétré dans ses entrailles que conduits par l’espérance, plus souvent avide d’observatrice, d’en tirer ce qu’elles renferment d’utile à nos besoins, de précieux à l’avarice ou au luxe ; et lorsque M. de Buffon donna sa théorie de la terre, nos connaissances n’étaient même qu’une faible partie de celles que nous avons acquises, et qui sont si imparfaites encore. On pouvait donc regarder comme téméraire l’idée de former dès lors une théorie générale du globe, puisque cette entreprise le serait même aujourd’hui. Mais M. de Buffon connaissait trop les hommes, pour ne pas sentir qu’une science qui n’offrirait que des faits particuliers, ou ne présenterait des résultats généraux que sous la forme de simples conjectures, doit peu frapper les esprits vulgaires, trop faibles pour supporter le poids du doute. Il savait que Descartes n’avait attiré