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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/348

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


les hommes à la philosophie que par la hardiesse de ses systèmes, qu’il ne les avait arrachés au joug de L’autorité., à leur indifférence pour la vérité, qu’en s’emparant de leur imagination, en ménageant leur paresse, et qu’ensuite, libres de leurs fers, livrés à l’avidité de connaître, eux-mêmes avaient su choisir la véritable route. Il avait vu enfin, dans l’histoire des sciences, que l’époque de leurs grands progrès avait presque toujours été celle des systèmes célèbres, parce que ces systèmes, exaltant à la fois l’activité de leurs adversaires, et celle de leurs défenseurs, tous les objets sont alors soumis à une discussion, dans laquelle l’esprit de parti, si difficile sur les preuves du parti contraire, oblige à les multiplier. C’est alors que chaque combattant s’appuyant sur tous les faits reçus, ils sont tous soumis à un examen rigoureux ; c’est alors qu’ayant épuisé ces premières armes, on cherche de nouveaux faits pour s’en procurer de plus sûres et d’une trempe plus forte.

Ainsi, la plus austère philosophie peut pardonner à un physicien de s’être livré à son imagination, pourvu que ses erreurs aient contribué au progrès des sciences, ne fût-ce qu’en imposant la nécessité de le combattre ; et si les hypothèses de M. de Buffon, sur la formation des planètes, sont contraires à ces mêmes lois du système du monde, dont il avait été en France un des premiers, un des plus zélés défenseurs, la vérité sévère, eu condamnant ces hypothèses, peut encore applaudir à l’art avec lequel l’auteur a su les présenter.