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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/364

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


vues, n’est pas moins nécessaire que celui des découvertes au perfectionnement de l’espèce humaine ; peut-être n’est-il pas moins rare, n’exige-t-il pas moins ces grandes qualités de l’esprit qui nous forcent à l’admiration. Nous l’accordons à ces harangues célèbres que l’antiquité nous a transmises, et dont l’effet n’a duré qu’un seul jour ; pourrions-nous la refuser à ceux dont les ouvrages produisent, sur les hommes dispersés, des effets plus répétés et plus durables ? Nous l’accordons à celui dont l’éloquence, disposant des cœurs d’un peuple assemblé, lui a inspiré une résolution généreuse ou salutaire ; pourrait-on la refuser à celui dont les ouvrages ont changé la pente des esprits, les ont portés à une étude utile, et ont produit une révolution qui peut faire époque dans l’histoire des sciences ?

Si donc la gloire doit avoir l’utilité pour mesure, tant que les hommes n’obéiront pas à la seule raison, tant, qu’il faudra non-seulement découvrir des vérités, mais forcer à les admettre, mais inspirer le désir d’en chercher de nouvelles, les hommes éloquents, nés avec le talent de répandre la vérité, ou d’exciter le génie des découvertes, mériteront d’être placés au niveau des inventeurs, puisque sans eux ces inventeurs,ou n’auraient pas existé, ou auraient vu leurs découvertes demeurer inutiles et dédaignées.

Quand même une imitation mal entendue de M. de Buffon aurait introduit, dans les livres d’histoire naturelle, le goût des systèmes vagues et des vaines déclamations, ce mal serait nul en comparaison de tout ce que cette science doit à ses travaux :