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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/365

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


les déclamations, les systèmes passent, et les faits restent ; ces livres qu’on a surchargés d’ornements pour les faire lire, seront oubliés ; mais s’ils renferment quelques vérités, elles survivront à leur chute.

On peut diviser en deux classes les grands écrivains, dont les ouvrages excitent une admiration durable et sont lus encore lorsque les idées qu’ils renferment, rendues communes par cette lecture même, ont perdu leur intérêt et leur utilité : les uns, doués d’un tact fin et sûr, d’une âme sensible, d’un esprit juste, ne laissent dans leurs ouvrages rien qui ne soit écrit avec clarté, avec noblesse, avec élégance, avec cette propriété de termes, cette précision d’idées et d’expression, qui permet au lecteur d’en goûter les beautés sans fatigue, et sans qu’aucune sensation pénible vienne troubler son plaisir.

Quelques pensées qui naissent dans leur esprit quelque sentiment qui occupe leur âme, ils le rendent tel qu’il est, avec toutes ses nuances, avec toutes les images qui l’accompagnent ; ils ne cherchent point l’expression, elle s’offre à eux ; mais ils savent en éloigner tout ce qui nuirait à l’harmonie, à l’effet, à la clarté ; tels furent Despréaux, Racine, Fénelon, Massillon, Voltaire. On peut sans danger les prendre pour modèles : comme le grand secret de leur art est de bien exprimer ce qu’ils pensent ou ce qu’ils sentent, celui qui l’aura saisi dans leurs ouvrages, qui aura su se le rendre propre s’approchera d’eux, si ses pensées sont dignes des leurs ; l’imitation ne paraîtra point servile, si ses idées sont à lui, et il ne