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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/373

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


nistres et de ceux qui, chargés par eux des détails, ont sur la décision et l’expédition des affaires une influence inévitable. Il se conciliait les uns, en ne se permettant jamais d’avancer des opinions qui pussent les blesser, en ne paraissant point prétendre à les juger ; il s’assurait des autres en employant avec eux un ton d’égalité qui les flattait, et en se dépouillant de la supériorité que sa gloire et ses talents pouvaient lui donner. Ainsi, aucun des moyens de contribuer aux progrès de la science à laquelle il s’était voué, n’avait été négligé. Ce fut l’unique objet de son ambition. Sa considération, sa gloire y étaient liées sans doute ; mais tant d’hommes séparent leurs intérêts de l’intérêt général, qu’il serait injuste de montrer de la sévérité pour ceux qui savent les réunir. Ce qui prouve à quel point M. de Buffon était éloigné de toute ambition vulgaire, c’est qu’appela à Fontainebleau par le feu roi qui voulait le consulter sur quelques points relatifs à la culture des forêts, et ce prince lui ayant proposé de le charger en chef de l’administration de toutes celles qui composent les domaines, ni l’importance de cette place, ni l’honneur si désiré d’avoir un travail particulier avec le roi, ne purent l’éblouir ; il sentait qu’en interrompant ses travaux, il allait perdre une partie de sa gloire ; il sentait en même temps la difficulté de faire le bien ; surtout il voyait d’avance la foule des courtisans et des administrateurs se réunir contre une supériorité si effrayante, et contre les conséquences d’un exemple si dangereux.