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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/377

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


regrets aux nôtres, et embellir par l’éclat de sa gloire la modeste simplicité des honneurs académiques.

M. de Buffon n’était occupé que d’un seul objet, n’avait qu’un seul goût ; il s’était créé un style, et s’était fait une philosophie par ses réflexions plus encore que par l’étude ; on ne doit donc pas s’étonner de ne trouver ni dans ses lettres, ni dans quelques morceaux échappés de sa plume, cette légèreté, cette simplicité qui doivent en être le caractère : mais presque toujours quelques traits font reconnaître le peintre de la nature, et dédommagent d’un défaut de flexibilité, incompatible peut-être avec la trempe mâle et vigoureuse de son esprit. C’est à la même cause que l’on doit attribuer la sévérité de ses jugements et cette sorte d’orgueil qu’on a cru observer en lui. L’indulgence suppose quelque facilité à se prêter aux idées et à la manière d’autrui, et il est difficile d’être sans orgueil, quand, occupé sans cesse d’un grand objet qu’on a dignement rempli, on est forcé en quelque sorte de porter toujours avec soi le sentiment de sa supériorité.

Dans la société, M. de Buffon souffrait sans peine la médiocrité, ou plutôt, occupé de ses propres idées, il ne l’apercevait pas, et préférait en général les gens qui pouvaient le distraire sans le contredire, et sans l’assujettir au soin fatigant de prévenir leurs objections ou d’y répondre. Simple dans la vie privée, y prenant sans effort le ton de la bonhomie, quoique aimant par goût la magnificence et tout ce qui avait quelque appareil de grandeur, il avait con-