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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/378

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


serve cette politesse noble, ces déférences extérieures pour le rang et les places, qui étaient dans sa jeunesse le ton général des gens du monde, et dont plus d’amour pour la liberté et l’égalité, au moins dans les manières, nous a peut-être trop corrigés, car souvent les formes polies dispensent de la fausseté ; et le respect extérieur est une barrière que l’on oppose avec succès à une familiarité dangereuse. On aurait pu tirer de ces déférences, qui paraissaient exagérées, quelques inductions défavorables au caractère de M. de Buffon, si dans des circonstances plus importantes il n’avait montré une hauteur d’âme et une noblesse supérieures à l’intérêt comme au ressentiment.

Il avait épousé, en 1762, mademoiselle de Saint-Belin, dont la naissance, les agréments extérieurs et les vertus réparèrent à ses yeux le défaut de fortune. L’âge avait fait perdre à M. de Buffon une partie des agréments de la jeunesse ; mais il lui restait une taille avantageuse, un air noble, une figure imposante, une physionomie à la fois douce et majestueuse. L’enthousiasme pour le talent fit disparaître aux yeux de madame de Buffon l’inégalité d’âge ; et dans cette époque de la vie, où la félicité semble se borner à remplacer, par l’amitié et des souvenirs mêlés de regrets, un bonheur plus doux qui nous échappe, il eut celui d’inspirer une passion tendre, constante, sans distraction comme sans nuages. Jamais une admiration plus profonde ne s’unit à une tendresse plus vraie. Ces sentiments se montraient dans les regards, dans les manières, dans les dis-