Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
367
ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


cours de madame de Buffon, et remplissaient son cœur et sa vie. Chaque nouvel ouvrage de son mari, chaque nouvelle palme ajoutée à sa gloire était pour elle une source de jouissances, d’autant plus douces, qu’elles étaient sans retour sur elle-même, sans aucun mélange de l’orgueil que pouvait lui inspirer l’honneur de partager la considération et le nom de M. de Buffon. Heureuse du seul plaisir d’aimer et d’admirer ce qu’elle aimait, son âme était fermée à toute vanité personnelle comme à tout sentiment étranger. M. de Buffon n’a conservé d’elle qu’un fils, M. le comte de Buffon, major en second du régiment d’Angoumois, qui porte avec honneur, dans une autre carrière, un nom à jamais célèbre dans les sciences, dans les lettres et dans la philosophie.

M. de Buffon fut longtemps exempt des pertes qu’amène la vieillesse ; il conserva également et toute la vigueur des sens et toute celle de l’âme. Toujours plein d’ardeur pour le travail, toujours constant dans sa manière de vivre, dans ses délassements comme dans ses études, il semblait que l’âge de la force se fût prolongé pour lui au delà des bornes ordinaires. Une maladie douloureuse vint troubler et accélérer la fin d’une si belle carrière ; il lui opposa la patience, eut le courage de s’en distraire par une étude opiniâtre ; mais il ne consentit jamais à s’en délivrer par une opération dangereuse. Le travail, les jouissances de la gloire, le plaisir de suivre ses projets, pour l’agrandissement du Jardin et du Cabinet du roi, suffisaient pour l’attacher à la