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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/397

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ÉLOGE DE FRANKLIN.

L’indulgence philosophique de Franklin, et l’adresse de son esprit, lui servirent souvent à concilier le patriotisme des quakers avec les bienséances de leur secte.

Jamais un homme d’un esprit plus élevé, d’une âme plus indépendante, ne sut respecter avec plus de scrupule les faiblesses religieuses et les petitesses d’une conscience trompée ; il avait pour les esprits débiles et malades ces soins délicats, ces recherches d’égards, que les hommes d’une bonté peu commune ont pour l’infirmité et l’enfance.

L’éducation de Franklin ne lui avait pas ouvert la carrière des sciences, mais la nature lui en avait donné le génie. Ses premiers essais sur l’électricité annoncent qu’il connaissait très-peu même cette partie de la physique. Loin de l’Europe, il n’avait que des machines imparfaites. Cependant il devina bientôt la cause immédiate des phénomènes électriques. Il les explique par l’existence d’un fluide insensible, tant qu’il reste en équilibre, et qui se manifeste, soit lorsqu’on rompt cet équilibre, soit pendant qu’il se rétablit. Son analyse de la bouteille de Leyde est un chef-d’œuvre de sagacité, de justesse et de finesse à la fois. Les phénomènes variés et presque merveilleux qu’elle présente, dépendent d’un seul fait, la différence d’électricité qui existe

    Aussi les dunkars, plus sages que les quakers, n’ont jamais voulu consacrer, par des formules publiques, ni leurs dogmes, ni leurs préceptes. Ils ont craint, comme un de leurs chefs le dit un jour à Franklin, de s’exposer au danger de professer ce qu’ils ne croyaient plus, ou à la honte de changer d’avis.