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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/409

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


contre cette insidieuse tyrannie, et se contentèrent de prendre la résolution de se passer de thé, et même de renoncer aux marchandises anglaises. Les ministres ne jugèrent pas qu’un tel parti pût être sérieux. Ils envoyèrent du thé à Boston. Depuis quelque temps les gouverneurs avaient fatigué, par de petites vexations, le caractère paisible, mais ferme, des Américains, et ils ne savaient pas combien est terrible la longue patience d’un peuple qui n’est ni abruti ni corrompu. C’est la lutte de la raison et du courage ; et le moment où elle cesse est celui d’une force irrésistible. Quelques-uns des habitants de Boston, de la classe la moins éclairée, la moins préparée par l’éducation à réprimer les premiers mouvements des passions, se soulevèrent et brûlèrent le thé. Les ministres anglais crurent qu’un acte de vigueur répandrait l’épouvante. Le port de Boston fut fermé, et l’Amérique perdue à jamais pour la Grande-Bretagne. Franklin était resté en Europe pendant tout ce temps. Cinq des colonies l’avaient successivement chargé de leurs intérêts.

Les ministres l’appelaient quelquefois pour le consulter. Ils regardaient comme un ennemi de l’Angleterre quiconque n’était pas de leur avis. C’était annoncer qu’ils voulaient être trompés, et les gouverneurs des colonies les avaient trop bien entendus. Cependant, Franklin, fidèle à sa politique, continuait seul de leur dire la vérité. Aussi, non contents de lui ôter une place en Amérique, où déjà ils n’avaient plus le pouvoir de lui donner un successeur, ils arrêtèrent le payement de ses