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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/410

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


appointements comme député ; enfin, ils lui suscitèrent un procès injuste. Dans un pays libre, ces procès sont des lettres de cachet des ministres, et c’est ainsi que, peu d’années auparavant, on s’était vengé de Wilkes [1].

Le procès de Franklin n’eut pas de suites bien graves ; on ne put trouver dans aucune loi un prétexte pour le condamner, et la vengeance ministérielle se réduisit à lui faire dire publiquement des injures par un avocat, dont la complaisance a depuis été récompensée par les honneurs de la pairie.

Franklin quitta l’Angleterre, laissant des ministres déterminés à employer la force, et sûrs d’entraîner le gros de la nation par la crainte de perdre le commerce des colonies ; et il trouva l’Amérique décidée à se défendre. Déjà un congrès général, formé des députés des divers États, s’occupait des moyens de résistance. Les États n’avaient pas eu le temps de régler ni ce qu’ils voulaient conserver d’indépendance, ni ce qu’ils devaient en abandonner. Ils auraient même craint de troubler, par la discussion de cette question difficile, leur union naissante, et s’en

  1. L’intérêt qu’ont les ministres à ne pas perdre ces moyens d’une oppression indirecte, est une des principales causes qui s’opposent à la perfection des lois anglaises.

    Des lois criminelles vagues, ou qui soumettent à des peines des actions innocentes en elles-mêmes, des lois civiles obscures et appliquées par des tribunaux qui, soit par leur constitution, soit par leur peu de force, ne sont pas à l’abri de l’influence, sont autant d’instruments que l’indolence ou la corruption laissent trop souvent entre les mains du despotisme, et toute nation qui veut rester vraiment libre doit se hâter de les lui arracher.