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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/414

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


décisions cette lenteur, cette maturité, qui répond de leur vérité et de leur sagesse ; au lieu que l’établissement de deux chambres ne fait éviter des fautes nouvelles qu’en perpétuant les erreurs établies. L’opinion contraire à la sienne tient à cette philosophie décourageante qui regarde l’erreur et la corruption comme l’état habituel des sociétés ; les moments de vertu et de raison, comme des espèces de prodiges qu’il ne faut pas espérer de rendre durables. Il était temps qu’une philosophie, à la fois plus noble et plus vraie, présidât aux destins de l’espèce humaine, et Franklin était digne d’eu donner le premier exemple [1].

On pardonne aux législations antiques d’avoir pu soumettre à des lois éternelles, des hommes ignorants et grossiers qui recevaient comme un présent du ciel, ces fruits du génie et d’un véritable enthousiasme, dont ils ne pouvaient ni embrasser l’ensemble, ni prévoir les influences. Mais aujourd’hui, tout législateur qui ne parlerait pas à la raison seule, serait un fourbe ; et celui qui voudrait

  1. Nous ne dissimulons point que depuis la mort de Franklin, une nouvelle convention a divisé en deux chambres la législature de Pensylvanie, soit que l’autorité de l’exemple l’ait emporté sur la raison, soit que n’ayant pas pris, dans la première constitution, les précautions nécessaires pour empêcher une seule chambre de décider sans une discussion sérieuse, sans un examen réfléchi, et sans avoir pu s’aider du concours des lumières publiques, on ait éprouvé des inconvénients réels, et qu’on ait mieux aimé recourir à un remède insuffisant et dangereux, mais déjà employé, que d’en essayer de nouveaux.