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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/428

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


morale ; une gaieté habituelle, une douce facilité dans la vie commune, une inflexibilité tranquille dans les affaires importantes formaient son caractère. Ces deux dernières qualités s’unissent aisément dans les hommes qui, doués d’un esprit supérieur et d’une âme forte, abandonnent les petites choses au doute et à l’indifférence. Son système de conduite était simple, il cherchait à écarter de lui la douleur et l’ennui par la tempérance et le travail : Le bonheur, disait-il, comme les corps, se compose d’éléments insensibles. Sans dédaigner la gloire, il savait mépriser les injustices de l’opinion, et, en jouissant de la reconnaissance, pardonner à l’envie.

Dans sa jeunesse, il avait porté le pyrrhonisme jusque sur les fondements de la morale ; la bonté naturelle de son cœur, la droiture de son esprit étaient ses seuls guides, et ils l’égarèrent rarement. Plus tard, il reconnut qu’il existait une morale fondée sur la nature de l’homme, indépendante de toutes les opinions spéculatives, antérieure à toutes les conventions. Il pensait que nos âmes recevaient, dans une autre vie, la récompense de leurs vertus et la punition de leurs fautes ; il croyait à l’existence d’un Dieu bienfaisant et juste, à qui il rendait, dans le secret de sa conscience, un hommage libre et pur. Il ne méprisait pas les pratiques extérieures de religion, les croyait même utiles à la morale ; mais il s’y soumettait rarement. Toutes les religions lui paraissaient également bonnes, pourvu qu’une tolérance universelle en fût le principe, et qu’elles ne privassent point des récompenses de la vertu ceux