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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/434

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


lieu de toutes les servitudes, les sciences communiquent à ceux qui les cultivent quelque chose de leur noble indépendance, ou elles fuient les pays soumis au pouvoir arbitraire, ou elles y préparent doucement la révolution qui doit le détruire. Elles y forment une classe nombreuse d’hommes accoutumés à penser par eux-mêmes, à placer leurs jouissances dans la recherche de la vérité, et dans le suffrage de leurs égaux ; trop éclairés enfin pour ne pas connaître leurs droits, lors même qu’ils sont, assez prudents pour attendre en silence le moment de les recouvrer. Si elles ont une utilité indépendante des révolutions des empires et de la forme des gouvernements ; si elles n’abandonnent pas les hommes à tous les maux de l’ignorance, quand ils éprouvent ceux de la servitude ; si elles embellissent, en les adoucissant, les chaînes d’un peuple asservi, elles contribuent à rendre plus prompt, plus paisible et plus sûr le retour vers la liberté. Que l’on compare les tentatives des siècles peu éclairés, si rarement couronnées d’un succès durable, et toujours souillées par des guerres, des massacres et des proscriptions, avec les heureux efforts de l’Amérique et de la France ; que l’on observe dans un même siècle, mais à deux époques différentes, les deux révolutions de l’Angleterre fanatique et de l’Angleterre éclairée, on verra d’un côté les contemporains de Prynne et de Knox qui, en se vantant de combattre pour le ciel et la liberté, couvrent de sang leur malheureuse patrie pour cimenter la tyrannie de l’hypocrite Cromwell ; de l’autre, les contemporains