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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/513

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


saire, un prince sage regardera toujours comme un malheur d’être forcé à donner un exemple si dangereux. L’Hôpital savait que les maximes de notre jurisprudence ne permettent point de faire juger par des commissaires, je ne dis pas un prince du sang, mais le dernier des citoyens. Qu’eût-il fait cependant pour maintenir ces maximes, dont, plus qu’aucun homme de son siècle, il sentait l’importance ?

Eût-il renoncé à sa place ? Mais le cardinal de Lorraine n’eût pas manqué d’esclaves tout prêts à acheter, par la violation des lois, l’honneur d’en être les organes ; et abdiquer le titre de chancelier, c’eût été condamner le prince.

L’Hôpital eût-il résisté ? Mais le bruit était public à la cour que François II avait consenti à la mort du roi de Navarre ; que le père de Henri IV, mandé chez le roi, devait être assassiné ; que François avait refusé de donner le signal du crime, et que ses ministres avaient insulté à ses remords qu’ils appelaient une faiblesse. La résistance de l’Hôpital n’eût donc arraché le prince des mains des bourreaux que pour le livrer au glaive des assassins.

Il aima mieux attendre tout du temps, des événements, de l’indignation publique, de la faiblesse de François, de l’irrésolution de Catherine ; et il ne songea qu’à prolonger la vie de Condé, en multipliant les formalités. Prêt à périr avec le prince et avec la patrie, il voulait n’en désespérer qu’à l’extrémité [1].

  1. L’Hôpital fit nommer, parmi les commissaires du prince de