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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/573

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


sophie et de littérature, faisait le seul plaisir de sa table, où l’honneur d’être admis était brigué par les courtisans : on n’y servait qu’un seul plat de viandes bouillies. Modernes Apicius, pardonnez à la bassesse de ces détails ; daignez songer que les dépenses des gens en place sont payées par le peuple, et que l’homme de bien, qui se défie d’autant plus de ses forces que lui seul s’en défie, se conduit dans les grandes places de manière à n’avoir pas même de privations à s’imposer lorsque son devoir lui ordonne de les quitter.

Il y avait quatre ans que l’Hôpital menait dans sa retraite une vie libre et indépendante, lorsque ses yeux furent témoins du crime le plus horrible dont soient souillées nos annales.

À un signal donné du haut du palais des rois, des troupes d’assassins catholiques égorgent, au nom de Dieu et du roi, les protestants endormis sur la foi des traités solennellement jurés : la politique n’avait proscrit que les chefs ; le fanatisme, l’esprit de vengeance, la soif du butin, multiplièrent les victimes.

Paris fut pendant trois jours la proie des assassins : ni l’âge, ni le sexe, ni les vertus utiles à la patrie, ni les talents, ne furent épargnés. Quand il ne resta plus de victimes qu’on pût immoler impunément, Charles arrêta le carnage pour s’avilir encore par d’autres forfaits.

Il accuse devant le parlement les sujets qu’il vient de faire assassiner ; ce qui restait dans ce corps d’hommes justes, échappés à peine au fer des assassins, n’ose élever la voix ; les vengeurs des lois