Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
596
ÉLOGE DE PASCAL.

Dès lors, l’homme ignorant et faible, craignant à la fois Dieu et les remords, voulant être honnête, sans pourtant qu’il lui coûte de trop grands sacrifices, a besoin de guides qui puissent lui montrer ses devoirs et en fixer les limites.

Les scolastiques portèrent dans l’examen de ces actions douteuses toute la subtilité de leur philosophie. Au lieu de soutenir cette belle maxime de Zoroastre : Dans le doute, abstiens-toi[1], ils prenaient plaisir, pour faire briller la finesse de leur dialectique, à combiner des actions qui eussent toutes les apparences du crime, et ensuite à trouver des principes pour les justifier. Comme le but de leurs travaux était, non de faire haïr le crime, mais de décider si telle action était ou n’était pas un péché, si elle devait être punie par l’enfer ou si elle méritait seulement des peines plus légères, ils voulurent tracer, entre le juste et l’injuste, une ligne imperceptible, sans songer que celui qui ne veut s’interdire que ce qui est injuste à la rigueur est bientôt emporté, par ses passions, bien loin des limites de la morale.

Il paraissait plus aisé de rendre ces casuistes odieux, que de faire rire à leurs dépens ; mais ils avaient discuté si doctement les questions les plus niaises[2], et les plus burlesques ; ils avaient donné,

  1. J’ajouterais volontiers à cette maxime : si tu as quelque intérêt à agir ; mais si tu n’en as point, agis, de peur que la paresse ou l’indifférence pour le bien ne soient la cause secrète de ton doute.
  2. Par exemple, ils demandent quelle espèce de péché il y a