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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/609

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ÉLOGE DE PASCAL.

avec tant de bonhomie, des moyens si plaisants pour trahir la vérité sans mentir, pour imputer à ses ennemis des crimes supposés sans les calomnier, pour les tuer sans être homicides, pour s’approprier le bien d’autrui sans voler, pour se livrer à tous les raffinements de la débauche sans manquer au précepte de la chasteté, qu’ils étaient encore plus ridicules que dangereux. Le corps entier des jésuites n’avait point enseigné toutes ces sottises, mais chaque particulier en avait adopté quelques-unes. Heureusement pour le projet de Pascal, que, selon la plupart de ces casuistes, une action, que plusieurs docteurs graves regardaient comme indifférente, pouvait être suivie dans la pratique : de là, Pascal conclut que, tous étant des docteurs graves, il

    à coucher avec le diable ? si le sexe sous lequel le diable juge à propos de paraître change l’espèce du péché ? Ils répondent que non, mais qu’il y a complication ; et ils appellent cette espèce bestialité, quoique le diable ne soit pourtant pas si bête : ainsi, lorsque le diable prend la forme d’une religieuse, il y a bestialité, avec complication d’inceste spirituel. Ils demandent si une religieuse, qui donne un rendez-vous à son amant, sur la brèche du monastère, et qui a la précaution de n’avoir hors du couvent que la moitié du corps, échappe par ce moyen au crime d’avoir violé la clôture ? si un homme, qui entretiendrait cinq filles, et qui, en reconnaissance de leurs services, aurait promis de dire un ave Maria pour chacune, pécherait en accomplissant ce vœu, ou en ne l’accomplissant pas, etc. ?

    Tout cela est fort curieux, et surtout fort important pour le bonheur de l’humanité. Cependant, c’est ce qu’on a appelé longtemps, et ce que, dans les écoles, on appelle encore la morale.