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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/613

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ÉLOGE DE PASCAL.

cour polie et délicate de Louis XIV ne sentit pas ce défaut ; et l’on voit par beaucoup d’écrits, postérieurs à Pascal, que les auteurs se plaisaient alors à placer dans leurs ouvrages ces tournures familières,

    rendre la Sorbonne moins considérable par ce procédé, qui lui ôtera l’autorité qui lui est si nécessaire en d’autres rencontres.

    « Le bon Père se trouvant aussi empêché de soutenir son opinion au regard des justes qu’au regard des méchants, ne perdit pourtant pas courage.

    « Comme je fermais la lettre que je vous ai écrite, je fus visité par M. N***, notre ancien ami, le plus heureusement du monde pour ma curiosité, car il est très-informé des questions du temps ; il sait parfaitement le secret des jésuites, chez qui il est à toute heure, et avec les principaux. »

    J’ajouterai que quand Pascal, après avoir cité un passage des casuistes jésuites, demande sérieusement si ce sont des Chrétiens ou des Turcs qui parlent ? si leurs textes sont des inspirations de l’agneau, ou des abominations suggérées par le dragon ? quand, après avoir rapporté je ne sais quelles sottises du père le Moine, il s’écrie : Cette comparaison vous paraît-elle fort chrétienne dans une bouche qui consacre le corps adorable de Jésus-Christ ? quand il fait un long parallèle de Jésus et du diable ; quand, pour s’excuser d’avoir plaisanté les jésuites, il rapporte : Que Dieu le Père s’est moqué d’Adam dans le paradis terrestre, et qu’au jour du jugement il plaisantera les damnés, etc. ; on est obligé de convenir que ces traits ne sont ni d’assez bon goût ni d’assez bon sens. Il ne faut pas accuser notre auteur de manquer de respect à Pascal, en remarquant quelques défauts. Le respect superstitieux, qui ne voit pas les fautes des grands hommes, ou les dissimule, ne peut convenir qu’à des esprits petits et froids. L’enthousiasme qu’un grand homme inspire à de grandes âmes, ne le leur fait point voir comme parfait, mais comme supérieur à ses défauts.