Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/614

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
602
ÉLOGE DE PASCAL.


comme un moyen de ne point passer pour pédants, et pour se donner un air cavalier. Depuis, on a senti que le style devait être plus élevé et plus soutenu que la conversation, puisque l’auteur a plus de temps pour écrire, et le lecteur plus de temps pour juger. La conversation même a pris un ton plus noble, sans cesser d’être naturelle ; et c’est peut-être encore plus à la nécessité, à l’habitude de bien parler, qu’à l’étude des grands modèles que nous devons l’avantage d’avoir, à cette époque de notre littérature, un plus grand nombre de gens de lettres qui écrivent avec agrément et avec élégance.

On pourrait dire encore que les plaisanteries de Pascal perdent une grande partie de leur prix pour les lecteurs à qui les matières de théologie sont étrangères ; que la crainte d’être accusé d’impiété et de profanation l’oblige d’émousser ses plaisanteries, et de les resserrer dans un cercle plus étroit ; qu’il parle souvent des hérésies des jésuistes sur la grâce, avec une chaleur qui ne pouvait échauffer que les théologiens de son parti ; qu’enfin, en attaquant la morale relâchée des jésuites, et leur acharnement dans les disputes de jansénisme, il a respecté leur intolérance et leur fanatisme, et qu’il n’a vengé que les jansénistes, au lieu de venger le genre humain. Le plus grand défaut des Provinciales, c’est d’avoir été écrites par un janséniste ; et si Pascal l’a été, c’est la faute de son siècle.

Les jésuites ont reproché aux Provinciales quelques infidélités ; mais elles doivent moins être imputées à Pascal qu’aux théologiens qui lui ont fourni