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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/615

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ÉLOGE DE PASCAL.


des mémoires. Il se serait fait un scrupule d’en avoir la moindre défiance. Ces taches légères, que quelques corrections eussent fait disparaître, ne méritaient pas le bruit qu’en firent les jésuites, et ne les rendaient pas innocents. On doit savoir gré sans doute à ceux qui, en examinant l’ouvrage d’un homme de génie, y observent des défauts ; mais ils doivent se souvenir que le soleil, malgré ses taches, a aveuglé les yeux qui les ont découvertes.

Un autre reproche grave, c’est que Pascal a présenté, comme un système formé par les jésuites, ce qui n’était qu’un abus de la scolastique, commun aux jésuites et aux autres ordres. Peut-être même que, dans la pratique, les jésuites n’en avaient guère plus abusé que les autres ; pourquoi donc donner, pour le crime d’un seul ordre, ce qui était celui de tous ? C’est que quelquefois on va rechercher les crimes oubliés d’un coupable insolent et dangereux, tandis qu’on pardonne à ses complices, méprisés ou repentants : c’est que Pascal avait besoin, pour perdre les jésuites, de ménager les autres moines, ou même de les attirer dans son parti.

Il y a peut-être, dans cette conduite, plus de politique que de justice rigoureuse ; mais c’est ici un de ces cas où la faiblesse oppose un peu de ruse à la force ; et Pascal eut été absous, du moins par les maximes des casuistes jésuites. D’ailleurs, en relevant la turpitude de tous les scolastiques, ou catholiques, ou réformés, il eût élevé un scandale nuisible à tout le christianisme, et si le zèle des