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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/617

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ÉLOGE DE PASCAL.

ment d’Aix, en faisant brûler leurs livres, comme les Provinciales, et en chassant les jésuites, a pris dans ces mêmes Provinciales le motif de ses arrêts[1]. Exemple instructif et qui montre quelle force a le génie, lorsque, dans une nation éclairée, il s’élève contre une puissance qui ne doit sa force qu’à l’erreur et à l’habitude de la craindre. Rien ne prouve mieux l’utilité des lumières et ne donne une espérance mieux fondée, que le temps n’est pas éloigné, peut-être, où les erreurs, qui ont fait si longtemps le malheur des hommes, disparaîtront enfin de la terre.

C’est en 1656 que parurent les Provinciales ; et les questions proposées à Pascal par Fermat, et discutées dans les lettres de ces deux grands géomètres, avaient produit, en 1654, le traité du triangle arithmétique, ouvrage très-court, mais plein d’originalité et de génie.[2]

  1. J’aurais désiré que, en applaudissant à la destruction des jésuites, l’auteur se fût élevé contre l’horrible dureté avec laquelle on a traité tant d’individus, la plupart innocents du fanatisme et des intrigues de leur ordre. On a trop oublié qu’ils avaient été des hommes et des citoyens, avant d’être des jésuites ; et l’opération la plus utile à la raison et au bonheur de l’humanité a été souillée par les emportements de la vengeance et du fanatisme.
  2. Je crains que l’auteur ne se trompe ici, et que la destruction des jésuites n’ait plus été l’ouvrage du jansénisme que de la raison. Peut-être le genre humain est-il condamné à être toujours esclave des préjugés, et ne fera-t-il que changer d’erreurs. Cela peut tenir à la prodigieuse inégalité des esprits, de laquelle il résulte nécessairement qu’il y aura toujours des opinions que la multitude adoptera sans les entendre.