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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/625

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ÉLOGE DE PASCAL.


composition des Provinciales. Il y a dans ces notes une pensée d’une vérité frappante, à l’occasion de cette persécution, qui, suscitée par les jésuites contre les Solitaires de Port-Royal, attira à ses auteurs la haine de tous ceux qui cultivent les lettres, de ces hommes chez qui les générations futures vont apprendre ce qu’elles doivent penser, et qui par là deviennent bientôt les maîtres de l’opinion. Ils sont bien peu politiques en persécutant Port-Royal, dit Pascal ; chacun des Solitaires, une fois dispersés, osera dire ce que la crainte de causer la ruine de Port-Royal l’obligeait de dissimuler. Que ceux qui se croient intéressés à mettre des bornes à la liberté de penser, apprennent, de cette réflexion, que le seul moyen qui leur puisse réussir est de protéger les sociétés savantes, et de laisser à ces sociétés assez de liberté pour que ceux de qui le génie est à craindre puissent désirer d’y occuper une place.

Je m’arrêterai peu aux pensées sur la méthode de démontrer, selon Pascal, que, hors de la géométrie, il n’y a point de véritables démonstrations. En cherchant ce qui donne à la géométrie cet avantage, on voit qu’elle n’emploie aucun terme qu’elle ne l’ait défini, que jamais le sens de ce terme ne varie, et qu’ainsi on peut dans chaque proposition, en substituant à chaque terme sa définition, parvenir à des propositions évidentes par elles-mêmes, et à des notions simples, qu’il ne faut plus ni prouver ni définir. Sans cela, on tomberait dans une fausse subtilité qui deviendrait une nouvelle source d’erreurs. Cette méthode est applicable aux sciences même de