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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/634

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ÉLOGE DE PASCAL.

Cette méthode d’aller à la raison, en ébranlant d’abord l’imagination, n’a qu’un inconvénient, terrible à la vérité : c’est que l’homme intimidé, qui cherche un appui dans la religion, doit naturellement se jeter dans les bras de celle dont l’habitude de son enfance lui cache les absurdités et les inconséquences ; aussi cette méthode est-elle surtout propre à raffermir en général les hommes dans leur religion, fausse ou vraie. Mais le but principal de Pascal était de ramener au christianisme les incrédu-

    universelle, qui sont dans le cœur de tous les gens de bien ? Pourquoi affecter tant de mépris pour ces sciences physiques, qui ont donné à l’homme tant de ressources à opposer aux rigueurs de la nature ?

    Pascal méprisait les sciences ; mais les successeurs de Pascal ont-ils le même droit que lui ? Surtout il ne fallait pas dire que l’amour des sciences naturelles est un indice d’irréligion : cette assertion, injurieuse à la religion même, est combattue par de grands exemples que ceux qui osent la faire sont eux-mêmes obligés de respecter.

    La première chaire de physique expérimentale établie en France est due en grande partie aux soins de M. le cardinal de Rochechouart, et l’estime qu’il fait des sciences naturelles a seule empêché l’étude de la physique d’être abolie dans le collège de sa ville épiscopale. Il n’y a qu’un seul collège en France où les jeunes gens puissent recevoir une éducation raisonnable, où ils n’apprennent que ce qu’il est utile de savoir, et ce collège est l’ouvrage de M. l’évêque de Rhodez. Il ne fallait pas se fatiguer à prouver que les plus grands hommes de ce siècle sont ennemis du christianisme : ce peut être un bon moyen de leur nuire ; mais sûrement c’est une fort mauvaise preuve de la vérité de la religion. Enfin, il fallait ne jamais permettre que la cause de Dieu fût défendue par des échappés de Bicêtre, et que… succédât à Pascal.